Pierre Allard (à droite) avec Graham Rynbend (NHL.com)

Pierre Allard: « La moitié des blessures sont évitables »

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Nick Suzuki est le seul à avoir joué les 70 matchs du Canadien cette saison. Seulement quatre de ses coéquipiers ont joué plus de 60 parties. Comment expliquer l’hécatombe à Montréal?

Une question à laquelle il est difficile de trouver une réponse précise. Mais pour tenter d’en trouver, qui de mieux placé que l’ancien directeur de la science du sport et préparateur physique en chef du Canadien, Pierre Allard?

Allard a quitté le CH à l’été 2021 pour devenir entraîneur-adjoint du club de Munich, dans la Ligue allemande.

Curieusement, c’est depuis son départ que l’infirmerie est remplie. Le CH vient d’enregistrer un record de la LNH pour le plus de matchs ratés en raison de blessures sur une période de deux saisons.

Et selon le site spécialisé mangameslost.com, le Tricolore est en voie de surpasser les 600 matchs ratés en 2022-2023.

« J’en ai vécu des années où on était décimé par les blessures, souligne Allard de son appartement de Munich. Il y a un effet domino. Certains joueurs deviennent plus à risque en raison d’une surcharge de travail. Un attaquant qui passe soudainement de 12 à 16 minutes ou un défenseur qui passe soudainement de 16 à 20 minutes, c’est énorme! Ce n’est pas le même rythme de match, les mêmes sprints et la même demande [physique]. 

« Prenons par exemple les bagarres pour un défenseur. Par bagarre, je veux dire une bagarre le long des rampes ou une mise en échec ou une lutte devant le filet… si tu joues 16 minutes, tu es peut-être impliqué dans 20 bagarres du genre. Si tu en joues 20, tu es peut-être impliqué dans 30. Le risque de blessures est automatiquement plus grand. »

Plusieurs joueurs en surcharge de travail

Allard note un bon point. Vu la multitude de blessures, plusieurs joueurs n’occupent pas la « bonne chaise » depuis le début de la saison. Et certains d’entre eux se sont blessés à essayer d’en donner davantage pour « remplacer » les réguliers du Top 6 offensif ou du Top 4 défensif, par exemple.

Allard, qui dit avoir quitté le Canadien en bons termes car il voulait devenir coach, n’est plus dans le secret des dieux. Il tient à dire qu’il n’a pas d’informations privilégiées de son successeur, Adam Douglas.

Il donne donc son point de vue bien personnel, d’un gars qui a quand même passé 11 ans dans l’organisation montréalaise, dont 4 comme directeur de la science du sport.

« Qu’est-ce que le Canadien a maintenant comme stratégie de récupération ou de prévention?, se demande-t-il. Je me rappelle qu’à mon époque, à chaque lundi, on soumettait les joueurs à des sauts sur une plate-forme de force. On essayait de détecter leur état de fatigue. Est-ce qu’il y a des asymétries dans leurs jambes quand ils sautent? Est-ce que l’asymétrie est assez importante pour aller voir le physio? Ce sont de petites choses que l’on peut faire pour essayer de prévenir les blessures ou détecter les possibilités de blessures. »

Deux causes: la fatigue et le sous-entraînement

Allard précise toutefois qu’on a beau surveiller les joueurs de près et les soumettre à tel ou tel test, rien n’est infaillible: des blessures vont survenir. Ça fait partie du sport.

« Il y a certaines blessures pour lesquelles tu ne peux pas faire grand-chose, comme des fractures ou des commotions, dit-il. Le gars bloque un tir et se fracture un pied. Tu veux faire quoi? Tu en as toutefois la moitié qui sont évitables, parce que ce sont des élongations musculaires ou des blessures antérieures qui ont traîné et traîné. Il y a principalement deux choses qui vont causer des blessures: la fatigue et le sous-entraînement. Un joueur qui ne s’entraîne pas assez ou qui n’est pas assez mis dans des situations de batailles le long des rampes ou de sprints devient un joueur à risque de blessures. »

Préparation estivale

Allard croit d’ailleurs que les joueurs et les préparateurs physiques devraient changer leur façon de travailler, l’été. Selon lui, c’est à ce moment que le gros de la prévention devrait se faire.

« Malheureusement, les préparateurs physiques d’été préparent les joueurs pour qu’ils soient performants au camp, et non pour passer à travers 82 matchs, souligne le Québécois de 50 ans. Ils veulent que leur gars fasse la Ligue nationale ou la Ligue américaine. La réalité rattrape les joueurs en cours de saison car pour performer dans la LNH, il ne faut pas juste être prêt pour le camp, il faut être en forme pendant 82 matchs. Nous, pendant la saison, avec les matchs et les pratiques qui se succèdent, on essaie de limiter les dégâts. On intervient surtout lors d’un retour d’une blessure. Sinon, les gars sont responsables de se garder en forme. »

Chose certaine, peu importe les raisons de cet hécatombe de blessures, Jeff Gorton et Kent Hughes devront réviser tout le personnel « santé » (docteurs, thérapeutes, physiothérapeutes et préparateurs physiques) du Canadien cet été afin de voir s’il y a place à amélioration de ce côté.

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