« Appelle-moi dans 10 minutes, je serai assis tranquille à la maison, au soleil. » C’est ainsi que Sylvain Rodrigue nous répond quand on le texte pour voir s’il est prêt pour son entrevue avec La Poche Bleue.
Ce « soleil », c’est celui de la Californie, où Rodrigue vit avec son épouse, Catherine Fortin, depuis 2018, lui qui est l’entraîneur des gardiens de but du club-école des Oilers d’Edmonton, les Condors de Bakersfield.
Rodrigue supervise les hommes masqués depuis 20 ans, après avoir été lui-même un gardien dans la LHJMQ avec Chicoutimi et Val-d’Or, mais aussi à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et à Angers, en France.
L’homme de 50 ans a ensuite été entraîneur des gardiens des Saguenéens, de 2003 à 2009. « Pour le reste, fie-toi pas à Hockey DB et aux autres trucs du genre, ce n’est pas à jour », mentionne le sympathique entraîneur en riant.
Rodrigue nous résume donc lui-même son parcours, de Stockholm, en Suède, à Berlin et Dusseldorf, en Allemagne, en passant par Lugano et Fribourg-Gottéron, en Suisse. Toujours en restant basé à Chicoutimi, où il a rencontré sa douce quand il jouait junior.
« En 2008-2009, j’ai commencé à coacher pro à Berlin. Ensuite, la Suisse est entrée dans le portrait. Là, quand des équipes ont su que j’allais en Europe à chaque mois, certaines m’ont dit: ‘Ça te tentes-tu de venir passer une semaine avec nous?’. J’étais donc presque toujours parti. Mais j’étais enseignant à l’époque. J’ai commencé par demander des journées sans solde, puis des semaines, puis des années! À ma dernière année d’enseignement, j’ai juste fait 70 jours! J’ai donc arrêté en 2013 ou 2014. »
Laurent Brossoit et Stuart Skinner
A ensuite commencé son aventure avec les Oilers d’Edmonton. « Craig MacTavish [alors le directeur général] m’a offert une job. Frédéric Chabot était l’entraîneur des gardiens à temps plein à Edmonton. Moi, je faisais un peu de tout. Je voyageais beaucoup. J’allais rendre visite à tel jeune gardien, j’allais passer une semaine à Oklahoma City, où était notre club-école à l’époque. Je faisais beaucoup de choses et pas grand-chose en même temps!
« On m’a offert le poste à temps plein avec le club-école, en 2015, et mon premier jeune à développer a été Laurent Brossoit. À l’époque, je voyageais Chicoutimi-Bakersfield souvent et je continuais à aussi à aller ailleurs dans le monde. Puis, quand Stuart Skinner est arrivé dans la Ligue américaine, en 2018, là on m’a demandé de déménager à Bakersfield à temps plein. J’ai réussi à sortir une Saguenéenne de Chicoutimi! [rires]. Mon plus jeune, Émile, avait seulement 14 ans et ne disait pas un mot d’anglais! »
Pendant qu’Olivier, son plus vieux, poursuivait son stage junior à Drummondville, Rodrigue, son épouse et Émile ont donc déménagé à Bakersfield.
« On est pas mal au milieu de la Californie. On est à deux heures de Los Angeles et de Pismo Beach, une belle plage. On est à environ trois heures de San Diego et de San Francisco, et à quatre heures de Vegas. On est vraiment bien placé, mais malgré cela, quand on joue à Ontario, proche de L.A., on part la veille. Car avec le trafic, tu ne sais jamais si ça va te prendre deux ou cinq heures! Et pourtant, les autoroutes sont immenses, avec sept voies de chaque côté. »
Anciennement les Barons d’Oklahoma City, de 2010 à 2015, les Condors de Bakersfield sont nés de ce désir de la Ligue nationale de rapprocher les clubs de la Ligue américaine de leur grand frère.
Bakersfield-Edmonton, ce n’est pas comme Laval-Montréal, mais les deux sont dans l’Ouest, au moins.
Bakersfield est l’un des cinq clubs de la Ligue américaine basés en Californie, les autres étant San Jose (filiale des Sharks), San Diego (Ducks), Coachella Valley (Kraken) et Ontario (Kings).
Le reste de la division Pacifique est complété par des équipes basées dans l’Ouest canadien (Abbotsford et Calgary), en Arizona (Tucson), au Nevada (Henderson) et au Colorado.
Le soleil 325 jours par année!
« Bakersfield, c’est 400 000 habitants donc, c’est considérée comme une petite ville en Californie, même si c’est très étendue, précise Rodrigue. C’est une ville d’agriculture et d’huile. C’est la plus grande productrice de fruits et légumes de la côte Ouest. Les joueurs et les coachs, on habite dans un beau coin au nord-ouest de la ville, entouré de champs. Je vais au centre-ville seulement pour le hockey. »
Ah oui? Pourquoi seulement pour le hockey? « Disons qu’il y a des endroits en ville qui ne sont pas recommandés pour les enfants, répond du tac au tac Rodrigue. Je n’avais jamais vu un crime en direct au Québec. Ici, en six ans, je dois avoir été témoin de six arrestations ou fusillades! Quand tu vois un gars qui se fait étamper la face dans le béton par quatre ou cinq policiers, tu te dis: ‘Coudonc, on es-tu dans le far west? C’est quoi qu’il se passe?’ Tu n’es pas au Québec ici. Tu dois prendre garde. Bakersfield Est, tu ne vas pas là. Il y a beaucoup de gangs de rue. Et Bakersfield Est commence à même pas un kilomètre de notre patinoire. Tu fais attention de quel côté tu pars après un match! »
Même si le centre-ville n’est pas très recommandable, Rodrigue dit filer le parfait bonheur à Bakersfield. Mais est-ce plus dur se concentrer sur le hockey quand il fait toujours beau?
« C’est pas plus tough. Tu sais, on arrive très tôt à l’aréna et quand on ne joue pas le soir, on sort vers 14h ou 15h. C’est pas la vraie vie du hockey, je suis obligé de l’admettre. Le vrai hockey, ça se passe l’hiver, avec la neige. Mais ça fait six ans qu’on est ici et je te dirais qu’on s’habitue assez vite! Et la journée qu’on va retourner au Québec, je pense que ce ne sera pas facile [rires]. La famille me manque, mais pas l’hiver! Ici, il fait soleil 325 jours par année!
« L’été, c’est vraiment chaud, ajoute le Québécois. De mai à septembre, la piscine est à 92. Quand on est arrivé ici, ma femme disait: ‘Y’annonce beau demain, on va aller faire ça.’ Mais on a vite réalisé qu’il faisait pas mal toujours beau! Au Québec, t’es dépendant de la météo. Pas ici. »
Olivier, Sylvain, Catherine et Émile (photo gracieuseté des Condors de Bakersfield)
L’avenir de ses fils
Rodrigue en est à sa dernière année de contrat avec les Oilers. Son avenir pourrait dépendre de celui de son fils Émile qui, à 19 ans, joue présentement comme défenseur pour les Roughnecks de Bakersfield, dans la USPHL Premier.
« Il ne sait pas encore ce qu’il va faire après. Va-t-il vouloir revenir au Québec? Va-t-il vouloir continuer dans la NCAA? Je ne sais pas. Moi, ça fait quand même longtemps que je travaille pour les Oilers. Je pourrais rester avec eux encore plusieurs années. Je ne sais pas. Il me reste quoi, 10 ans à travailler? »
Son autre fils, Olivier, en est également à sa dernière année de contrat avec les Oilers (on y reviendra dans un autre texte). Le gardien de but de 23 ans n’a toujours pas joué un match dans la LNH, « mais il fait partie des meilleurs espoirs de l’équipe », dit son père, pardon, son entraîneur des gardiens. Si les Oilers veulent seulement lui soumettre une offre qualificative le 1er juillet, elle serait de 813 750$.
Les Rodrigue poursuivront-ils leur aventure en Californie? On verra l’été prochain.