La Poche Bleue

AU COEUR DE L’ATHLÈTE – Thomas Grégoire: partir pour mieux revenir?

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À l’été 2020, à seulement 22 ans, Thomas Grégoire a surpris un peu tout le monde en décidant de quitter la Ligue américaine pour poursuivre sa carrière en Europe.

Grégoire, jamais repêché par une équipe de la LNH, venait quand même d’enregistrer 24 points en seulement 46 matchs avec le Barracuda de San Jose, le club-école des Sharks, à sa deuxième saison dans la LAH.

Il a donc quitté la chaude Californie pour la froide Finlande, où il a accepté un contrat avec le Rauman Lukko, une équipe basée à Rauma, une petite ville du sud-ouest du pays qui est à trois heures de la capitale, Helsinki.

Pourquoi avoir mis aussi rapidement un X sur la Ligue américaine? Comment aime-t-il son expérience en Europe, lui qui a quitté Lukko pour le Rögle BK, en Suède, cet été? À 25 ans, rêve-t-il encore à la LNH?

Thomas Grégoire répond à tout ça dans notre populaire segment «  Au coeur de l’athlète »:

« De l’extérieur, les gens regardent mes statistiques dans la Ligue américaine et se demandent pourquoi je suis parti pour l’Europe à seulement 22 ans. Ma progression était bonne. Mais moi, de l’intérieur, j’ai vite compris que les Sharks ne me voyaient pas dans la LNH. En plus, c’était pendant la COVID et c’était compliqué dans la Ligue américaine.

La première saison, j’ai seulement joué une vingtaine de matchs [26]. J’ai été healthy scratch tous les autres! À ma deuxième saison, j’ai eu un départ canon. J’avais 18 ou 19 points à Noël! J’ai eu des discussions avec les Sharks, mais ils ne voulaient pas ajouter un volet LNH à mon contrat. Après Noël, on devait être 12 défenseurs avec le Barracuda et on m’a rayé de la formation trois matchs de suite. J’ai fini la saison en jouant seulement 46 rencontres.

C’est là que j’ai réalisé qu’il fallait que je joue des matchs, tous les matchs. De l’extérieur, tout le monde se dit que la Ligue américaine, c’est juste en-dessous de la LNH. « T’es proche, continue! » Mais ce que les gens oublient, c’est qu’il y d’autres ligues qui sont très bonnes. Si tu fais tes preuves en Europe, par exemple, ça vaut peut-être plus que de bonnes saisons dans la Ligue américaine.

Voilà pourquoi avec l’incertitude de la COVID et ma situation avec les Sharks, je n’ai pas hésité à partir en Finlande. J’ai adoré mes trois années là-bas et là, je trippe avec Rögle.

Mon but est encore d’atteindre la LNH, un jour, mais je me dis aussi que si ça ne fonctionne pas, il y a moyen d’être heureux, de bien gagner ma vie, d’avoir une super belle carrière en Europe et de me bâtir une belle vie ici.

La qualité de vie est exceptionnelle. On joue moins de matchs. On a souvent des congés. Je dors tous les soirs à la maison, à moins d’exceptions. Le plus loin que l’on va, c’est à Luleå, qui est vraiment dans le nord. Mais même là, on prend l’avion le matin du match et on revient dormir à la maison après.

Je peux comprendre les gens d’avoir été surpris que j’aie quitté l’Amérique du Nord aussi rapidement, mais pour moi, à l’époque, j’étais sûr de ma décision et je n’ai aucun regret aujourd’hui.

Regardez ça froidement: combien de joueurs jouent dans la Ligue nationale? Et quand je parle de jouer, je ne dis pas juste un ou deux matchs. Je parle vraiment d’une carrière… c’est difficile! C’est encore mon but, mais si je devais rester ici une dizaine d’années, je serais également très heureux.

Je ne comprends pas les joueurs qui s’accrochent à la Ligue américaine alors qu’ils savent qu’ils n’ont pas ou plus de chances de jouer dans la Ligue nationale. Venez en Europe! 

D’un autre côté, je comprends que c’est leur rêve d’enfant et que depuis toujours, ils aspirent à la LNH. C’est aussi, pour certains, une question de mentalité. Certains voient ça comme un échec de quitter l’Amérique du Nord. Une question aussi d’orgueil, sans doute.

Moi, je n’ai jamais vu l’Europe comme un « échec ». Je suis chanceux, j’ai grandi avec un père [Jean-François] qui a joué un peu en Europe et dont le grand chum, Stéphane Julien, y a joué longtemps. Plus jeune, Stéphane venait souvent à la maison et il était comme un modèle pour moi. Il me parlait de sa vie en Europe et ça me faisait rêver.

L’été dernier, j’ai parlé à quelques équipes de la LNH, surtout des équipes de l’Ouest qui m’avaient vu jouer avec le Barracuda de San Jose. Mais les offres n’étaient pas meilleures que celle de Rögle. Si je reviens en Amérique du Nord, c’est pour avoir une vraie chance de jouer dans la LNH. J’ai « rempli un chandail » dans la Ligue américaine à 20 et 21 ans. Je ne veux pas le refaire. 

Dans la tête des amateurs, les jeunes joueurs doivent suivre un guide. En Amérique du Nord, c’est clair, il y a trois ligues et trois niveaux de jeu: la Ligue nationale, la Ligue américaine et la ECHL. Même pour moi, en grandissant, je regardais jouer le Canadien et je rêvais de jouer à Montréal. Et je me disais qu’avant, j’allais devoir passer par le club-école, qui était à Hamilton à l’époque. Mais aujourd’hui, dans ce guide, il y a plein d’autres pages. Plein de chemins peuvent nous mener à la LNH! Les jeunes doivent le réaliser.

Je suis content d’avoir signé deux ans à Rögle. Monétairement, ça faisait plus de sens que la Finlande et en plus, avec la Suisse, la SHL est pas mal la meilleure ligue en Europe. C’est une ligue très compétitive et elle est très regardée par les recruteurs de la LNH. Après tout, je le répète, mon but est encore de jouer, un jour, dans la LNH.

Il y en a qui disent ça pour être gentils, mais je pense que c’est vraiment le cas à Rögle: on a les meilleurs fans de la ligue. Les estrades sont remplis à chaque match, même si on n’a pas un bon début de saison [5-9-0]. On devrait être vraiment plus haut. Les fans ne viennent pas à l’aréna pour s’asseoir et manger du popcorn. Derrière les buts, tu as une section remplie de partisans qui sautent et qui chantent tout le long, comme au soccer. On les appelle les Ultras.

Le club de Rögle est situé à Ängelholm, une petite ville tranquille. L’Europe, c’est tellement beau. L’architecture, la culture… tu t’ennuies pas! Quand je jouais en Finlande, à Rauma, on était loin des grandes villes tandis qu’ici, Helsingborg, une ville de plus de 100 000 habitants, est à seulement 15 minutes de char

En Europe, on peut voyager facilement et profiter de la vie. Tout est proche. Il y a deux semaines, on a pris le train pour aller passer deux jours à Copenhague, au Danemark. On n’est pas loin non plus de l’Allemagne, des Pays-Bas et là, la semaine prochaine, on a quelques jours de congé et on s’en va une gang à Londres.

Ma copine Selma, que j’ai rencontrée à Sherbrooke, habite avec moi depuis ma deuxième saison en Europe [2021-2022] et elle adore ça. Elle étudie en ligne en marketing et est aussi mannequin. Il y a deux ans, elle s’était trouvée une agence en Finlande alors elle a eu quelques contrats. Là, elle s’en cherche une à Copenhague, qui est à 1h30 de voiture. Si tout va bien, elle va décrocher des contrats bientôt.

C’est vraiment juste ça qui lui manque pour qu’elle file le parfait bonheur. Elle va trouver, je ne suis pas inquiet.

Tout comme je ne suis pas inquiet que la vie va me conduire où je dois être. Dans la Ligue nationale, un jour, ou ici en Europe, longtemps. Après tout, c’est dur à dire pour certains, mais il n’y a pas que la LNH dans la vie… »

  • Thomas

Photos: gracieuseté Rögle BK

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