Sylvain Rodrigue a tout un défi devant lui à Bakersfield: faire en sorte que Jack Campbell redevienne le gardien de but qu’il a déjà été dans la LNH.
Rodrigue est conscient qu’il s’agit d’une tâche colossale. « Ça a mal fini à Toronto. Il a quand même eu un gros contrat à Edmonton. Mais rapidement, ça a mal été à Edmonton. Puis, cette année, il a eu un bon camp et de bons matchs pré-saison, mais un mauvais début de saison. Encore du négatif! Ça fait donc presque deux ans ans que c’est négatif autour de lui. Ce n’est pas évident », mentionne Rodrigue.
Le Québécois a du temps devant lui, mais d’un autre côté, dans la LNH, « le temps, c’est de l’argent ». Surtout avec Campbell, qui a encore trois autres années de contrat devant lui, à 5 M$ chacune.
Rodrigue jure toutefois qu’il « ne se comporte pas en millionnaire, qu’il a une bonne attitude et qu’il est là pour travailler ».
Les résultats tardent toutefois à venir. À Bakersfield, où il a obtenu son premier départ le 9 novembre, Campbell montre un dossier de 4-4-0, une moyenne de 3,37 et une efficacité de ,887. Des chiffres qui ressemblent drôlement à ceux qu’il a compilés à Edmonton la saison dernière (3,41 et ,888) et cette saison (4,50 et ,873), lui qui avait une fiche de 1-4-0 au moment de descendre dans la Ligue américaine.
D’abord et avant tout mental
Campbell devra faire bien mieux pour remonter en haut, d’autant plus qu’il a accordé au moins trois buts lors de sept de ses huit départs avec les Condors.
« Sur les réseaux sociaux, les gens commentent en regardant uniquement les stats, souligne Rodrigue. La plupart n’ont même pas vu ses matchs! C’est un être humain, ça l’atteint. Sa confiance reste fragile. Le sport, c’est d’abord et avant tout mental.
« Jack est vraiment arrivé dans un mauvais timing, ajoute le coach de 50 ans. On jouait sur la route à Abbotsford, deux fois, et à Calgary, deux fois. Il a joué trois matchs et a donné 13 buts! Ça a été une catastrophe! Ça aurait été mieux s’il était arrivé ici, loin des journalistes, et qu’on avait pu se pratiquer quelques jours ensemble avant de lui donner un départ. Jack, c’est le meilleur gars sur la Terre, mais tout le monde pense juste à son salaire de cinq millions. Mais c’est un être humain comme toi et moi. Et quand c’est toujours négatif autour de toi, ce n’est pas facile. On doit rebâtir sa confiance. »
Comment, justement, parvenir à rebâtir cette confiance? « Après ses trois défaites à Abbotsford et Calgary, j’ai pu m’asseoir avec lui, raconte Rodrigue. Je lui ai dit: ‘Je pense qu’on ne peut pas aller plus bas.’ Il était toujours sur les talons, il ne savait plus trop quoi faire. On avait une semaine complète de pratique, on devait peser sur le bouton reset. Ça ne donnait rien de lui donner trop de consignes, j’allais le caler encore plus. On s’est donc concentré sur deux ou trois points, that’s it. Il fallait simplifier sa game. On n’était pas là pour donner un show. Son talent allait faire le reste. »
Comme avec Cristobal Huet
Pour tenter de « replacer » Jack Campbell, Rodrigue se réfère à une expérience qu’il a déjà vécue en Suisse, avec le club de Fribourg-Gottéron, en 2010-2011.
« Les Blackhawks voulaient que Cristobal Huet se replace, alors ils l’avaient prêté en Suisse, où je coachais, raconte le Québécois. Quand il est arrivé, lui aussi, sa confiance en avait pris un coup. C’est Antti Niemi, pas lui, qui avait gagné la coupe Stanley en 2010. On y est allé étape par étape. Une confiance, ça se rebâtit. Le gardien n’a pas perdu son talent, il a perdu son swag, sa confiance. C’est la même chose avec Jack. »
Pour la petite histoire, Huet avait 35 ans quand il a tenté de se relancer avec Rodrigue. Il a connu une bonne saison 2010-2011, avec une efficacité de ,919 en 41 matchs, mais n’a plus jamais rejoué dans la LNH.
Il est resté en Suisse jusqu’au moment de prendre sa retraite, en 2017-2018. Il est, depuis, entraîneur des gardiens avec le Lausanne HC.
À 31 ans, Jack Campbell est encore bien loin de la retraite. Mais de la manière qu’il joue présentement, il est aussi encore bien loin d’un retour dans la LNH. « C’est un beau défi. Pour un enseignant comme moi, c’est cool », conclut Sylvain Rodrigue.