On s’était donné rendez-vous pour une entrevue au téléphone à 13h. « Ouais Raph, je vais te rappeler, je dois gérer ma petite ».
Alex Barré-Boulet a finalement rappelé à 13h24, après avoir endormi Anna, qui est née en février 2022. Ça, c’est un an et deux semaines après la naissance de son grand frère, Zack.
Barré-Boulet est donc un homme très occupé à la maison. Et il le sera bientôt aussi au camp du Lightning de Tampa Bay, alors qu’il tentera de percer la coriace formation floridienne à l’occasion de sa sixième saison professionnelle.
« J’ai eu une bonne saison dans la Ligue américaine, mais je vais quand même devoir faire ma place au camp, note l’ailier de 26 ans. Je n’ai pas vraiment parlé à Coop [Jon Cooper], plus à Julien [BriseBois]. C’est lui qui m’a suggéré d’arriver tôt à Tampa, pour être plus à l’aise en vue du camp. Je suis donc arrivé ici le 3 août. Ça fait déjà un mois que je m’entraîne avec plusieurs gars [du Lightning]. »
On l’écoute et on sent que Barré-Boulet déborde de confiance, à deux semaines du début du camp d’entraînement des Bolts. Et pour cause.
Il vient de connaître sa meilleure saison dans la Ligue américaine, avec 84 points (24-60) en 69 matchs, au deuxième rang des marqueurs de la ligue un point derrière un autre vétéran, Michael Carcone (Tucson).
Au moins une place disponible
Mais la LNH, ce n’est pas la Ligue américaine et ça, Barré-Boulet le sait trop bien. Il n’a joué qu’un match avec le Lightning, la saison dernière, après en avoir disputé 14 (et 2 avec le Kraken), en 2021-2022.
Il devra connaître un bon camp pour convaincre Jon Cooper de retenir ses services, mais contrairement aux saisons précédentes, il semble y avoir des postes disponibles à Tampa.
Nikita Kucherov, Brayden Point, Steven Stamkos, Brandon Hagel, Anthony Cirelli et Nick Paul forment le noyau offensif, on s’entend.
Tanner Jeannot et Mikey Eyssimont ont décidé de poursuivre leur aventure à Tampa, après avoir été acquis avant la dernière date limite des transactions.
Conor Sheary, Josh Archibald et Luke Glendening ont été ajoutés cet été comme joueurs autonomes.
Ça fait donc 11 attaquants « assurés » de commencer la saison dans la LNH. Il y a donc au moins une place disponible et Barré-Boulet veut qu’elle soit sienne.
Considérant qu’Archibald, Eyssimont et Glendening sont surtout des joueurs de quatrième trio — Jeannot aussi, s’il joue comme l’an dernier! —, Barré-Boulet pourrait même se faufiler dans le Top 9.
« Je ne regarde pas trop avec qui je suis en compétition. Je veux juste avoir un bon camp et prouver que j’ai ma place dans la LNH, dit-il humblement. S’ils me donnent une chaise sur la quatrième ligne, bien ce sera ça. Je suis capable de m’adapter. Ce n’est plus comme dans le temps où le quatrième trio, c’était quatre gars qui frappent. De nos jours, tu as besoin de quatre lignes qui produisent. Et l’an dernier, à Syracuse, j’ai eu de grosses responsabilités défensives. J’ai probablement été l’attaquant le plus utilisé en désavantage numérique… »
On sent une certaine maturité dans les propos de Barré-Boulet. Probablement parce qu’il a été déçu plus souvent qu’à son tour lors de ses cinq premières saisons professionnelles, ne jouant que 32 matchs dans la LNH.
Comment le prendra-t-il s’il est à nouveau cédé au club-école, à Syracuse?
« Bonne question. Tout va dépendre de mon camp. Si j’ai un mauvais camp et qu’on me renvoie à Syracuse, je vais comprendre. Mais si j’ai un bon camp et que je me fais redescendre, je vais être déçu. Je vais prendre ça difficilement. Mais bon, avec le nouveau staff là-bas [à Syracuse], j’imagine que je serais capable de passer par-dessus. »
Retrouvailles avec Joël Bouchard?
Ce nouveau staff sera mené par Joël Bouchard, qui a dirigé Barré-Boulet avec l’Armada de Blainville-Boisbriand, à la fin de sa carrière junior.
« Ce serait spécial. Je l’ai eu pendant un an et demi à Blainville. C’est un coach qui est demandant, mais je suis habitué. Au cours de ma carrière, j’ai eu Ben [Groulx], Dominique Ducharme et Martin Raymond. J’ai toujours aimé ce genre de coachs. Dan Jacob [l’un des adjoints de Bouchard] runnait aussi notre power play à Blainville. J’ai toujours été proche de lui. Ce serait spécial de les retrouver dans le pro.
« Ça m’a pris un bon mois à m’ajuster [à Joël], poursuit Barré-Boulet en pensant à son arrivée avec l’Armada. J’aimais bien aller au McDo et lui, il aimait pas trop ça! Sur la glace, j’arrivais de Drummond, une équipe de bas de classement où j’avais eu trois coachs en trois ans. Pas que je faisais ce que je voulais, mais disons que c’était moins structuré qu’avec Joël! Quand il est venu me chercher, je ne m’attendais pas à être accueilli avec des fleurs, mais je ne m’attendais pas non plus à ce que ce soit aussi raide en partant. Joël voulait tout de suite me mettre dans le moule de l’équipe. Au début, ça a été un choc! Mais au final, ça a été l’une des meilleures choses qui me soit arrivée dans ma carrière. »
Deux inspirations québécoises
Entamant sa dernière année de contrat (il sera payé 775 000$ peu importe où il joue), Barré-Boulet ne se voit pas aller jouer en Europe si jamais ça ne fonctionne pas dans la Ligue nationale en 2023-2024.
« J’y ai déjà pensé, mais j’aime ça ici. Même jouer dans la Ligue américaine, j’adore ça. Donc, même si ça ne marche pas cette année, je ne me vois pas aller en Europe avant mes 28 ou 29 ans », mentionne le Québécois, qui ne regarde pas très loin pour trouver des inspirations de late bloomers: Jonathan Marchessault et Yanni Gourde, deux Québécois et deux anciens du Lightning.
« Ils sont arrivés dans la LNH sur le tard, mais ils n’ont jamais baissé les bras et aujourd’hui, ils sont des joueurs établis. Marchessault vient de gagner le trophée Conn-Smythe! Ce sont deux bons exemples à suivre. »
Comme Barré-Boulet, Gourde et Marchessault avaient chacun 26 ans quand ils ont disputé leur première saison complète dans la LNH.
Et aujourd’hui, ils sont tous les deux des champions de la coupe Stanley et ils gagnent cinq millions par année. Barré-Boulet parviendra-t-il à les imiter?